Posons les bases : ce n’est pas l’IA qui fait perdre l’identité de marque, c’est l’absence de cadre dans son usage. Après tout, l’IA générative n’a pas d’intention, n’a pas de culture d’entreprise, ou même de croyance ou de certitude. Elle est neutre, sans avis et disponible. C’est par ailleurs ce qu’on attend d’elle. Mais c’est aussi ce qui fait sa faiblesse.
Quand elle est utilisée sans ligne, sans colonne vertébrale éditoriale, sans grammaire de marque, elle se contente de produire du bruit : du contenu lisse, correct, terriblement impersonnel. Un texte qui pourrait venir de n’importe qui. Or, une marque ne peut pas se permettre d’être n’importe qui.
Ce qu’on appelait tone of voice doit devenir un système
Avant, une charte éditoriale semblait déjà suffire. Définir quelques principes, un champ lexical, une tonalité… constituait déjà un réel progrès. Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant et l’IA oblige à aller plus loin : à formaliser un langage clair et exploitable par une machine. Autrement dit, à transformer un style qui paraissait intuitif en un véritable système structuré.
Reprenons. Un ton, effectivement, ça se structure : choix syntaxiques, rythme des phrases, usage des métaphores, références culturelles, biais assumés, angles préférés… Mais ce niveau de finesse doit désormais être clairement formulé, explicité et strictement formalisé. Sinon, ce n’est pas exploitable par la machine.
Dire qu’on a opté pour un ton « professionnel et accessible » ne sert à rien (et tout le monde dit ça) : ce n’est pas une signature éditoriale, c’est un bouclier face à la peur de se positionner. Et on est tous passés par là.
Ce que l’IA nous impose aujourd’hui, c’est de transformer cette « intuition éditoriale » en véritable système opérationnel. Concrètement :
- Quels mots n’utilisez-vous jamais ?
- Quels biais acceptez-vous ?
- Quels formats sont bannis chez vous ?
- À quoi ressemble une intro réussie, chez vous ?
- Qu’est-ce qu’implique un « nous » dans vos textes ?
- Quel champ lexical porte vraiment votre vision métier ? Et d’ailleurs, quelle est-elle ?
Une IA bien briefée peut faire des merveilles, évidemment. Mais une IA laissée libre dans sa rédaction se contente de fournir des illustrations des consensus en place, de l’« acceptable ».
Ce que l’audience attend aujourd’hui, ce n’est pas un contenu propret, mais un discours incarné, identifiable et assumé. Les Gen Z et Millennials, qui deviennent majoritaires dans les décisions d’achat B2B, ont grandi avec des marques qui parlent vrai, qui prennent position, qui acceptent la contradiction. Ils repèrent les discours aseptisés en trois lignes (puisqu’ils sont par ailleurs les premiers à avoir pris en main l’outil, y compris dans leur quotidien).
Utiliser l’IA pour sa création de contenu, pour les marketeurs conscients, c’est finalement forcer les marques à expliciter ce qui restait souvent implicite. Et donc, en un sens, à renforcer ou à affirmer leur identité.
Produire vite, mais relire lentement
L’IA permet d’aller vite et le marketing adore ça ! La tentation est grande, bien sûr : prompt + clic + copier-coller = publication. On gagne du temps, on coche des cases, on remplit le calendrier édito. Mais on oublie l’essentiel : un contenu rapide n’est pas un contenu utile.
Si l’IA vous libère du temps sur la rédaction initiale, profitez-en pour renforcer vos exigences sur ce qui doit rester humain : l’intention, l’angle et la posture. C’est bien la seule fois où vous pourrez faire preuve d’autant d’exigence, sans avoir à ménager le rédacteur ou la rédactrice.
- Une intro qui n’apporte rien ? On coupe.
- Un CTA générique ? On reformule.
- Un exemple bidon ? On remplace par une référence client.
- Un enchaînement plat ? On retravaille le rythme.
Et quand c’est possible, on donne un visage au contenu. Les marques qui assument une voix éditoriale forte font parler leurs experts, leurs consultants, leurs fondateurs.
L’IA peut aider, on le sait désormais, mais le signal le plus fort, c’est une personne identifiable qui signe ce qu’elle pense. C’est ce qui transforme un contenu correct en contenu crédible et utile pour ses lecteurs.
Ce n’est pas qu’une histoire de style, mais de cohérence
Le risque principal n’est pas seulement de « perdre votre ton ». Le vrai danger, c’est l’incohérence entre vos contenus : un post LinkedIn un peu trop bavard, un article très formaté, une newsletter particulièrement sobre… pris séparément, aucun ne pose problème. Mais mis bout à bout, ils ne racontent pas la même histoire. Et avec l’IA, ce genre de dissonance devient fréquent.
Ce que vous devez construire, c’est une architecture de marque éditoriale. Un socle. Une ligne claire qui traverse les contenus, les supports, les rédacteurs, les outils. C’est ça, une vraie identité de marque. Ce n’est pas un style, c’est de la cohérence.
Le rôle du marketing, ici, c’est de créer un système de garde-fous : quels sujets on traite ou pas, comment on parle de nous, ce qu’on assume, ce qu’on refuse. C’est ça, garder son identité, ce n’est pas foncièrement d’écrire des belles phrases qui tranchent avec les tics de langage de ChatGPT.
D’ailleurs, on confond souvent « ton professionnel » et « neutralité polie », mais une marque forte est rarement neutre. Elle a des convictions, des biais assumés, des prises de position. L’IA pousse à lisser ces aspérités, sauf si on les rend non négociables dans nos prompts. C’est pourtant cette subjectivité, et pas l’émotion feinte ou le storytelling artificiel, qui fait la différence entre un discours tiède et un point de vue pertinent.
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L’IA n’est pas là pour écrire à votre place, mais pour vous confronter à qui vous êtes
C’est ça, le nœud. L’IA, bien utilisée, vous force à être clair. Elle ne déforme pas votre ton, elle révèle à quel point vous ne l’aviez pas formalisé. Elle n’uniformise pas à outrance, elle montre que vous n’avez pas assez cadré votre expression. Au final, ce n’est pas une question technique, de mauvais prompt ou de mésusage. C’est tout simplement un manque de maturité éditoriale. Ouch.
Les marques qui sortiront du lot ne seront pas celles qui « utilisent bien l’IA ». Ce seront celles qui savent exactement ce qu’elles veulent dire (comment, à qui, pourquoi, à quel moment…) et qui auront les moyens de l’encoder. Et là, vous avez deux options :
- L’ignorer et accepter que votre contenu devienne une suite de phrases génériques sans saveur.
- Ou en profiter pour faire un travail de fond. Clarifier ce que vous voulez dire, et comment vous souhaitez le dire.
En bref ?
Comment s’assurer de rester authentique et fidèle à sa marque tout en travaillant avec l’IA ?
- Formaliser une vraie ligne éditoriale riche (via des ateliers, quitte à créer une véritable « bible » de la marque, en prenant le temps de vous tromper, etc.).
- Relire chaque contenu avec une liste de critères strictement identifiés.
- Assumer sa subjectivité, ne pas chercher à plaire à tout le monde.
- Donner un visage à ses contenus (experts, équipes, créateurs internes).
- Privilégier la cohérence de fond à la quantité de contenu.
C’est un vrai travail, exigeant et parfois inconfortable. Mais c’est aussi ce qui rend une marque crédible. Si vous voulez être accompagnés pour garder votre patte tout en travaillant avec l’IA, contactez-nous.